mercredi 25 février 2015

Jéets méek' La fondation de l'enfant maya La fundación del niño maya

Je voudrais vous parler aujourd'hui du jéets méek', une cérémonie typiquement maya, très importante pour les individus, les familles, et l'ensemble de la communauté. C'est en quelque sorte le baptême maya.
Dans le catalogue de l'exposition Mayas. Révélation d'un temps sans fin (voyez ICI), l'ethnologue Ella Quintal Aviles dit ainsi à propos du jéets méek' dans son article sur "les Mayas actuels et les rites: basses terres", dans le paragraphe concernant les rituels du cycle de vie: "c'est le rite le plus important car il est essentiel dans la 'fondation' (jéets) de  l'être humain maya" (p. 115).
Je me suis beaucoup intéressée au jéets méek' lors de mon voyage au Yucatán en 2013, car au Musée de Yaxunah, un tableau en mannequins de grande taille représente cette cérémonie, où le parrain ou la marraine de l'enfant le portent pour la première fois sur la hanche, dans une "embrassade" (méek') caractéristique.

Jéets méek' au Musée de Yaxunah
(Photo N. Genaille)


Depuis, j'ai lu des évocations de cette cérémonie dans des textes de mes cours de maya, et j'ai continué à en parler avec mon maître, El Chilam Balam. Mais surtout l'agronome Bernardo Caamal Itzá (Arux Duende del Mayab) a mis à plusieurs reprises sur sa page Facebook de longs articles la concernant, le plus complet tout récemment (18 février 2015). Il y insiste sur l'importance du choix des parrains, car c'est "un engagement pour la vie". Les parrains s'engagent à apprendre à l'enfant la vie au sein de la communauté maya, les travaux, la religion, la culture des Mayas, et, le cas échéant, à remplacer un parent disparu. C'est une grande responsabilité vis-à-vis de l'enfant, et cette relation cimente les liens intracommunautaires et familiaux.

La fête ne se passe pas au même âge s'il s'agit d'un garçon ou d'une fille, selon la répartition ancestrale des tâches. Pour une fille, elle a lieu à 3 mois, car 3 est un nombre symbolique pour elle. C'est celui des 3 pierres du foyer depuis la plus haute antiquité. C'est aussi celui des 3 pieds de la table, de la pierre à moudre le maïs (metate, ka' en maya) ou du garde-manger (ch'uyub). Pour un garçon, elle a lieu à 4 mois, par allusion à la milpa, le champ maya. Il se mesure en mecates (ts'áak), unités de 400 m2, et à chacune des 4 directions cardinales sont établis les dieux protecteurs de la forêt et de la pluie, les Seigneurs (Yuumtsilo'ob).

La cérémonie est centrée autour de trois aliments significatifs: les graines grillées de la courge blanche (xtóop, calabaza de pepita gruesa), les mêmes graines qui servent à faire une sauce délicieuse que j'ai goûtée lors de mon voyage, la farine de maïs grillé et moulu (k'aj, pinole), qui sert comme boisson au repas, et l'oeuf (je'). C'est une synthèse de l'alimentation maya, qui réunit le maïs fondamental et une des plantes qui s'y adjoignent dans la milpa, et l'oeuf, la nourriture animale la plus essentielle. Mais surtout ces aliments ont des noms symboliques. K'aj est aussi la mémoire, et je' signifie ouvrir. Quand à tóop, c'est naître et pousser. Comme le dit Ella Quintal, "ce rite permet ainsi à l'esprit et aux jambes du petit enfant de s'ouvrir, [il] confère la mémoire, la capacité d'apprendre, de se comporter en être humain" (p. 115). Ou, comme le dit Arux Duende, la xtóop symbolise le souhait que "croissent constamment les idées créatrices" du nouveau-venu dans la communauté, k'aj permet qu'il "se rappelle son identité et son origine", et le je' lui permettra d'"avancer dans sa formation comme être humain".

Lors de la fête, dans la maison principale, les aliments, sur un plateau, sont posés sur une table qui est une sorte d'autel, que domine la "Croix maya" qui évoque la ceiba, axe de l'univers, et les directions cardinales. Sur la table, des fleurs et des serviettes neuves, des bougies et de l'encens.
Les parents confient l'enfant au parrain ou à la marraine (selon le sexe de l'enfant). Ceux-ci le portent pour la première fois sur la hanche, et ils lui font faire ainsi 9 ou 13 fois (nombres sacrés) le tour de la table dans un sens puis dans l'autre (ce qui représente l'équilibre du cycle de vie), en lui donnant des bouchées des aliments symboliques. Les parrains parlent à l'enfant du sens de la vie, et lui mettent en main les outils de son futur travail. Pour le garçon, c'est la machette, le bâton à planter, la coa pour désherber; pour la fillette, le metate, les ustensiles de lavage. Mais s'y sont ajoutés le papier et le crayon, et même l'ordinateur. Après les rites dans la maison, on parcourt le jardin pour reconnaître les arbres.
La fête se termine par des prières aux dieux mayas, et le parrain rend solennellement l'enfant à ses parents. Les parents lavent alors les mains (p'o' k'ab) des parrains dans une eau où trempent des feuilles de rue, et les sèchent ensuite avec les serviettes neuves, pour sceller l'engagement pris vis-à-vis de l'enfant.

Arux Duende, auquel je suis redevable d'une grande partie de mon texte (et je l'en remercie vivement), termine sa présentation en soulignant que ces traditions, ce savoir des aïeuls, doivent être préservées en réfléchissant à leur pleine signification: le jéets méek', dit-il, "définit la personnalité et le rôle du nouvel individu dans la société maya." C'est à mon avis un rite très émouvant et essentiel.

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Jéets méek' en el Museo de Yaxunah
(Foto N. Genaille)

Hoy quiero comentarles el jéets méek', una ceremonia maya muy importante para los individuos, las familias, la comunidad. Es para los mayas una especie de bautismo.
En el catalogo de la exposición Mayas. Revelación de un tiempo sin fin (vean AQUÍ), la etnóloga Ella Quintal Aviles dice que es el rito más importante entre los del ciclo de la vida porque es esencial en la "fundación" (jéets) del ser humano maya (p. 115).

Me interesó mucho ese rito durante mi viaje a Yucatán en 2013 pues en el Museo de Yaxunah una escena de maniquíes grandes muestra esa ceremonia, en la cual el padrino o la madrina del bebe lo cargan a horcajadas por primera vez, en un "abrazo" (méek') característico.

Lei después referencias al jéets méek' en textos de mi clase de maya, y platiqué sobre la ceremonia con mi maestro El Chilam Balam. El agrónomo Bernardo Caamal Itzá (Arux Duende del Mayabtambién puso varias veces en su pagina de Facebook largos artículos sobre este rito, y el más completo hace poco (el 18 de febrero pasado). Ahí insiste sobre la importancia de la elección de los compadres, porque es "un compromiso de por vida". Los compadres se comprometen a enseñar al niño "los caminos de la vida" en el seno de la comunidad maya, los trabajos, la religion y la cultura de los mayas, y quizá a retomar la función de guía al ahijado en caso del fallecimiento de uno de los padres. Es una gran responsabilidad enfrente del niño, y, dice, es "un tipo de relación que cimienta las relaciones intracomunitarias y familiares."

La ceremonia no tiene lugar a la misma edad si se trata de una niña o de un niño, según la repartición ancestral de las tareas. Para la niña se realiza a los 3 meses, pues 3 es un numero simbólico para ella. Es el numero de las piedras del fogón, desde la más alta antigüedad. También tienen 3 patas la mesa, la piedra para moler el maíz (metate, ka'), el ch'uyub en donde se guardan los alimentos. Para el niño se hace a los 4 meses, en relación con la milpa, el campo maya. Se mide la milpa en mecates (ts'áak) de 400 m2, y en sus 4 direcciones cardinales "se ubican los dioses protectores del monte y de la lluvia", los Dueños (Yuumtsilo'ob).

Hay tres alimentos significativos en la ceremonia: las semillas tostadas de la calabaza xtóop (calabaza blanca de pepita gruesa), las semillas mismas que sirven en la cocina para hacer una salsa muy rica que me gustó tanto durante mi viaje; el pinole k'aj, harina de maíz tostado y molido que se usa como bebida con la comida; y el huevo je'. Esto hace una síntesis de la comida de los mayas, con el maíz fundamental, una de las plantas que se cultivan junto a el en la milpa, y el huevo, el alimento más esencial de origen animal. Sin embargo, esos alimentos sobre todo tienen nombres simbolicos. K'aj es también la memoria, je' significa abrir, y tóop quiere decir nacer y brotar. Como dice Ella Quintal, ese rito hace que el espíritu y las piernas del bebe se abran, y da también la memoria, la capacidad de aprender, de comportarse como un verdadero ser humano. O como dice Arux Duende, la xtóop simbolisa el deseo de que "broten constantemente las ideas creativas del nuevo integrante de esta comunidad", k'aj "propicia que se acuerde de su identidad y origen", y el je' hará que salga avanzando "en su formación como ser humano".

En la casa principal, los alimentos significativos, puestos en un plato, se disponen sobre una mesa que es una especie de altar, con la "Cruz maya" evocando la ceiba, centro del universo, y las direcciones cardinales. Sobre la mesa, hay también ramos de flores y servilletas nuevas, velas y incienso.

Los padres entregan el niño al padrino o a la madrina (según el sexo del bebe). Ellos lo cargan a horcajadas por primera vez, y caminan con él alrededor de la mesa, haciendo 9 o 13 vueltas en una dirección y después a la otra (lo que simboliza el equilibro del ciclo de la vida) y dando en la boca al bebe pequeñas porciones de los tres alimentos simbólicos. Los compadres platican al bebe como es la vida, y le ponen en su mano las herramientas del trabajo que tendrá que hacer. Para el niño, el machete, la coa, el sembrador; para la niña el metate, las cosas para lavar. Se añadieron también herramientas intelectuales, el lápiz, incluso a veces la computadora. Después de los ritos en la casa, recorren el solar para que el bebe conozca los arboles.

Se termina la ceremonia por plegarias a los dioses mayas, y el padrino o la madrina entrega formalmente el bebe a sus padres. Entonces, "los padres lavan las manos de sus compadres con agua entremezclada con hojas de ruda y después los secan con las servilletas nuevas" (p'o' k'ab) para sellar los compromisos tomados.

Arux Duende, cuyo texto estoy usando mucho aquí (y lo agradezco mucho de permitirlo), termina su presentación diciendo que esas tradiciones, que son el saber de los abuelos, deben ser preservadas pensando en su verdadera significación. El jéets méek', dice, "es la ceremonia que define la personalidad y el rol del nuevo individuo en la sociedad maya". Me parece un rito muy emocionante y esencial.

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