lundi 6 avril 2015

Le retour des wáay / El regreso de los wáay

Un wáay? Que veut dire ce mot maya? Les lecteurs de La Femme sans tête de mon ami José Natividad Ic Xec le savent déjà: c'est un homme qui a le pouvoir de se métamorphoser en animal, et qui hante les villages du Mayab au milieu de la nuit. Les wáay sont déjà connus chez les Mayas de l'époque classique, leur nom est en rapport avec le rêve et on a identifié le glyphe qui permet de l'écrire. Plusieurs vases présentent des images de wáay.
Altar de Sacrificios, vase figurant six wáay dansant, Classique récent, 753 ap. J.-C.
(The Linda Schele Drawings Collection, famsi.org)


Les wáay de l'époque classique ont des noms d'animaux de la jungle: "Nuage jaguar", "Pécari mange-feu". Ce sont souvent les doubles animaux de rois mayas. À l'époque moderne, les wáay villageois se transforment en animaux familiers, chien, chat, porc, et l'animal est de couleur noire.
"Les wáay sortent pour leurs escapades nocturnes après minuit(...) Si aux alentours de cette heure terrible vous entendez résonner neuf fois le sol et ensuite pleurer les chiens, même les plus féroces, qui se blottissent contre la porte pour rentrer, terrorisés, peut-être avez-vous un voisin qui exerce cet art antique," peut-on lire dans La Femme sans tête.

Croyance ancestrale? Réalité qui défie les lois scientifiques? José est fasciné par les wáay, parce que son père a été tenté d'apprendre cet art redoutable, mais il est, dit-il dans son livre, persuadé "qu'il ne reste plus de wáay dans le Mayab, ce qui constitue la perte d'un élément important de la culture maya"...
Plus de wáay dans le Mayab? Ce n'est pas si sûr! Le dernier article de El Chilam Balam s'intitule "Le retour des wáay" (lien dans le texte espagnol). Ce texte a la même thématique et la même saveur que les histoires de La Femme sans tête, et j'ai plaisir à vous en donner ici ma traduction.

Le retour des wáay
Le vieux wáay est mort et son disciple se prépare à suivre ses traces, à  peine achevé son deuil. Ces derniers soirs, les villageois l'ont vu passer avec sur l'épaule une écharpe que le maître avait toujours portée dans la même position.
Il y a quelques semaines encore, le disciple poussait le fauteuil roulant de son maître. Courbé sur son siège, le regard baissé, les mains mortes sur les genoux, le grand wáay se laissait mener et porter par son fils adoptif.

Bien sûr, aucun des villageois ne l'appelait wáay: auparavant ils le craignaient, et rentraient chez eux du plus loin qu'ils le voyaient venir. Si la rencontre était inévitable, on lui disait bonjour et on s'éloignait rapidement. Mais le maître ne répondait presque jamais à ces saluts. Et l'élève non plus, car il était toujours absorbé dans ses pensées. "Mais peu importe, il vaut mieux être en bons termes avec eux", me disait une proche voisine de ceux qu'on considérait comme pul ya'aj (sorciers).
- Il est mort d'une balle ou de mort naturelle?
- Non, il est mort de vieillesse. Pendant quelques jours il est resté prostré dans son hamac.

Ce fut une veillée funèbre solitaire. Un tricycle de location transporta le cercueil au cimetière, sans prières ni service à l'église.
Maintenant il est mort, mais la paix ne reviendra pas vite dans les rues voisines. "Depuis qu'ils sont venus occuper ce terrain les choses ont changé par ici," dit une autre villageoise qui n'a pas non plus voulu donner son nom. "À minuit pile, on entendait, invariablement, les pleurs des chiens et, plein de terreur, on écoutait le galop de je ne sais quel animal qui les attaquait, les faisait hurler et se réfugier dans leur maison. L'animal disparaissait peu après, et petit à petit les chiens se calmaient. Mais l'épisode se répétait peu avant l'aube."

Les villageois s'apitoient sur le disciple, un garçon brun, maigre, mal vêtu et sale. Toujours décoiffé, avec l'air d'un fou.
- Le pauvre. C'est une espèce d'esclave du vieux, puisque celui-ci transforme le gamin en animal nocturne et l'envoie commettre des méfaits.
- Mais le wáay se transforme lui-même, il sort lui-même commettre ses méfaits..., nous risquons-nous à remarquer.
- Nooon, répond-on aussitôt, dans certains cas ça se passe comme tu dis, mais dans d'autres le maître transforme (métamorphose) son aide et c'est lui qui est envoyé en mission.
Nous sommes surpris: on a toujours quelque chose à apprendre! Et pendant que nous écoutons, nous avons les cheveux qui se dressent sur la tête.

"Une fois, le dindon d'une voisine est allé sur le terrain des wáay. Sa maîtresse osa aller le réclamer: Monsieur, je viens chercher mon dindon: c'est lui qui se promène derrière chez vous, dit-elle, et le vieux s'approcha: elle était de l'autre côté du muret de pierres sèches; il lui dit avec un regard froid: Madame, ce dindon est à moi, puisqu'il est venu chez moi. Il n'en dit pas plus: 'C'est bon, excusez-moi. Je me suis trompée: il ressemble beaucoup à l'un des miens, qui est parti de la maison', et le wáay a gardé le dindon."
- Il faut être fou pour se quereller avec eux, disaient les gens.
Mais maintenant il est mort.

Tous les soirs le disciple s'en allait Dieu seul sait où avec l'écharpe de son maître sur l'épaule droite. Certains disent l'avoir vu à la sortie du village, marchant toujours vers le couchant, mais d'autres disent l'avoir vu à l'orient...
Les nuits paisibles tirent à leur fin.

Texte El Chilam Balam, traduction française Nicole Genaille.

Si vous voulez en savoir plus, lisez les chapitres de La Femme sans tête consacrés aux wáay, les "seigneurs de la nuit" qui, contrairement aux loups-garous, n'ont pas besoin d'une pleine lune pour se métamorphoser...
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Un wáay? Que quiere decir esta palabra maya? Los lectores de La mujer sin cabeza de mi amigo José Natividad Ic Xec ya lo saben: "es un hombre que tiene la capacidad de transformarse en un animal" y que recorre las calles del Mayab en medio de la noche.

Ya conocemos el wáay entre los mayas clásicos y se encontró el glifo de su nombre, que tiene una relación con el sueño. Varios vasos clásicos figuran a los wáay (aquí el vaso muy conocido desde Altar de Sacrificios, que tiene una fecha de 753 d. C.). Los wáay de esta época tienen nombres de animales de la selva, "Nube-Jaguar", "Jabalí comedor de fuego". Son a menudo los naguales de los reyes mayas. Hoy, los wáay de los pueblos se transforman en animales familiares, perro, gato, cerdo..., y el animal es de color negro.

"Los wáayes salen a sus correrías nocturnas después de la media noche (...) Si alrededor de esta hora terrible usted oye retumbar nueve veces el suelo y luego oye llorar a los perros, incluidos los más bravos, que se apretujan contra la puerta queriendo entrar aterrorizados, quizás tenga usted un vecino que ejerce este antiguo oficio."

¿Creencia ancestral? ¿Realidad que desafia las leyes de la Ciencia? Mi amigo José está fascinado por los wáay, quizá porque su padre quiso un día aprender ese arte temible; pero piensa, como lo dice en su libro, que "es probable que ya no quede un wáay en el Mayab, lo cual constituye también la pérdida de un poderoso elemento de la cultura maya".

¿No más  wáay en el Mayab? No es ¡tan cierto! El último articulo de El Chilam Balam está titulado El regreso de los wáay (ahora mi amigo prefiere no usar un plural español, y no usar tampoco el plural maya, wáayo'ob, para simplificar la lectura). Ese texto tiene el mismo estilo, el mismo encanto que La mujer sin cabeza. Me gustó traducirlo al francés en este articulo mío. Sin embargo, para ustedes, les doy el vinculo para que puedan leerlo en el texto original:


Si quieren ustedes saber más sobre los wáay de hoy, lean La mujer sin cabeza, que puede comprarse en México: verán así los bonitos capitulos sobre los "señores de la noche" los cuales al contrario de los  hombres lobo no necesitan una luna llena para metamorfosearse.


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